Terre et Vie No 44, Novembre 2000
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Stratégie de la gestion des ressources en eau du Maroc (680)
Madame ELABED Loubna, responsable du bureau Eau Potable, Eaux Fluviatiles, Lacustres et Phréatiques
I- Les ressources en eau du Maroc
Bien que doté d'une position géographique favorable
au Nord-Ouest de l'Afrique, le Maroc reste dans la majeur partie
de son territoire, un pays à climat essentiellement semi-aride.
A part la région Nord-Ouest et les sommets de l'Atlas,
la pluviométrie reste faible, comparativement aux pays
riverains du Nord de la Méditerranée.
Les précipitations totales sur l'ensemble du territoire
sont évaluées en année moyenne à 150
Milliards de mètre cube (Mm3) dont 121 Mm3 vont à
l'évapotranspiration et seulement 29 Mm3 qui représente
l'écoulement superficiel et souterrain.
Les écoulements totales des eaux, estimés à
29 milliards de m3 qui représentent notre "potentiel
de ressources en eau" se répartissent en :
- 22,5 milliards m3 d'eaux de surface,
- 7,5 milliards m3 d'eaux souterraines.
Il est à signaler que ces sources potentielles sont :
d'un niveau faible par rapport aux pays bénéficiant
d'un climat et d'un régime de pluies tempérées,
concentrées dans le Nord, le Nord-Ouest et la zone atlantique,
parties les mieux arrosées du pays,
à l'intérieur d'une même année, l'essentiel
des débits s'écoulent sous forme de crues souvent
courtes et violente et les apports se concentrent en général,
sur quelques mois voire quelques jours.
L'évaluation régionale des ressources annuelles
moyennes en eau superficielle est résumé dans le
tableau1.
Tableau 1 : Répartition géographique des
ressources en eau de surface mobilisables
cours des années 1996, 1997 et 1998, la production énergétique
de près de 565 GWH/an, la sécurisation des besoins
en eau de la plaine du Gharb, ainsi que le transfert de 520Mm3/an
d'eau pour satisfaire le besoin croissant en eau de la ville de
Casablanca, capitale économique du Maroc.
La lutte contre les inondations était un objectif essentiel
de la planification de l'eau. En effet, les grandes inondations
observées dans les régions du Gharb, du Loukkos,
du Nekor, de Tafilalet et de la vallée de l'oued Za ont
trouvé des solutions significatives dans le cadre de la
gestion des retenues des barrages se trouvant dans leurs périmètres,
où des tanches importante ont été réservées
au stockage des eaux de crues.
Cependant, la prévention et la lutte contre les inondations
ne sont jamais totale, et ne peuvent se faire sans une connaissance
parfaite des zones sensibles et sans une sensibilisation très
poussée des populations avoisinantes.
La Loi 10-95 sur l'eau a, entre autre, chargé les Agences
de Bassins de réaliser les infrastructures nécessaires
à la prévention et à la lutte contre les
inondations. Elles peuvent même imposer aux propriétaires
riverains des cours d'eau de procéder à la construction
de digues pour protéger leurs biens contre les débordements
des cours d'eau. De leur côté, les Collectivités
Locales peuvent réaliser les infrastructures nécessaires
à la protection contre les inondations avec le concours
financier des Agences de Bassins.
IV- Planification des ressources en eau
Le secteur hydraulique a fait un effort important en matière
de planification régionale des ressources en eau à
moyen et long terme. Ces actions sont poursuivies et consolidées
par l'établissement d'un Plan National de l'Eau. Ce Plan
a pour objet l'intégration des différents plans
régionaux en vue de définir une vision dynamique
de la gestion intégrée des ressources en eau à
long terme s'articulant autour des deux principaux axes ci-après
:
l'élaboration d'une stratégie nationale basée
sur la consolidation des processus mis en uvre par la loi 10-95
sur l'eau dans la réalité ;
la formulation et l'adoption de plans d'actions précis
et programmes d'investissement correspondants.
La planification des ressources en eau doit bien évidemment
être en cohérence avec les options majeurs de l'ensemble
des secteurs connexes dont notamment l'eau potable, l'agriculture,
l'assainissement et l'épuration des eaux usées industrielles
et domestiques. Le développement de ces secteurs indépendants
doit donc être conduit de manière concertée
et coordonnée.
V- Mise en place des Agences de Bassins
Les plans de développement économique et social
mis en uvre au Maroc ont accordé une grande priorité
au secteur de l'eau, permettant ainsi la généralisation
de l'accés à l'eau potable en milieu urbain, l'irrigation
d'un million hectares à la fin de 1997 et la production
hydroélectrique de plus de 2000GWH/an en moyenne.
L'importance du volume des investissements du secteur hydraulique
est sans raport avec les possibilités du budget de l'Etat.
Elle met ainsi en évidence la problématique du recouvrement
du coût de l'eau brute, de la tarification des services
de l'eau (eau potable, irrigation énergie) et la contribution
respective de l'Etat et des usagers.
La loi 10-95 sur l'eau, a déjà intégré
en partie ces préoccupations et introduit la mise en place
de redevances liées aux principes " préleveur-payeur
" et " pollueur-payeur " .Ces redevances seront
utilisées pour financer les actions d'inventaire, d'évaluation,
de planification, de mobilisation, de gestion de l'eau, ainsi
que l'entretien courant des ouvrages hydrauliques.
Les agences de bassin constituent désormais le cadre adéquat
pour concrétiser la prise en charge progressive du coût
de l'eau par les usagers, au partenariat entre l'administration
, les collectivités locales et les usagers de l'eau en
vue d'une gestion solidaire et participative de l'eau à
l'échelon du bassin versant hydrologique.
Après la mise en service effective de l'Agence du Bassin
de l'Oum Er Rabia en juillet 1999, il est proposé de retenir
le calendrier ci-après pour les autres agences : Agences
de Sebou, Tensift, Bouregreg et Moulouya en 2000, Agence du Nord
en 2001, celle du Souss Massa en 2002 et l'Agence du Sud Atlasique
en 2003.
VI- Principaux projet de gestion de l'eau
VI- 1. Projet de gestion de l'environnement
Le Projet de gestion de l'environnement PGE financé par
la banque Mondiale, comprend quatre volets principaux.
1. renforcement du cadre institutionnel, administratif et juridique
2. mise en place d'instruments économiques et financiers
pour la réduction et le contrôle de pollution
3. mise en place d'un réseau national d'information sur
l'environnement ( réseau des Acteurs Partenaires en Information
et Données sur l'environnement RAPIDE), et
4. promotion de l'éducation environnementale et des activités
de sensibilisation
VI- 2 . Projet de pérennité des ressources en
eau du Maroc( PREM)
Le projet PREM, financé par l'Agence Américaine
pour le développement International (USAID) et le Ministère
de l'Environnement , fait partie de la stratégie nationale
de gestion durable des ressources en eau .
Le projet PREM, premier projet intégré, a pour objectifs
:
2. le renforcement du cadre juridique et institutionnel ;
3. la mise en place de sites de démonstration sur la prévention
de la pollution de l'oued Sebou ;
4. la conservation des sols dans un bassin versant du Nord,
5. le traitement et la réutilisation des eaux usées
dans de petites et moyennes communes de la province d'Agadir
6. la protection des ressources en eau dans les secteurs agricoles,
urbains et industriels et l'encouragement de la participation
du public aux actions environnementales par l'implication des
collectivités locales, du secteur privé , des ONG
et des associations professionnelles
VI. 3- Etude du secteur de l'eau
L'Etude du Secteur de l'Eau, menée par le Ministère
de l'Equipement en concertation avec les autres Ministères
et la Banque Mondiale, se propose d'analyser les grandes options
sur lesquelles pourrait se fonder la stratégie future de
la gestion des ressources en eau
Ces options concernent principalement :
1. La protection et à la conservation des ressources en
eau
2. le freinage de la demande en eau
3. le financement des investissements
4. le recouvrement des coûts
5. l'amélioration du cadre institutionnel
6. la protection environnementale
En parallèle , cette étude se propose d'analyser
le processus de planification hydraulique et de définir
les renforcements éventuels qui pourraient faciliter la
préparation et le suivi du futur plan Hydraulique National
.
VI. 4- Programme National d'Eau Potable Rural
La stratégie pour le développement social adopté
par le gouvernement pour la décennie 90 considère
comme une priorité l'accès des populations rurales
à l'eau potable.
Dans ce cadre un Programme d'Approvisionnement Groupé en
Eau Potable des Populations Rurales (PAGER) a été
adopté. Ce programme a pour objectif de porter le taux
d'accès à l'eau potable qui était de 38%
à 62% au terme du plan et à 80% à l'horizon
2008-2009 en desservant 31000 localités regroupant 11millions
d'habitants. Depuis son démarrage en 1995, ce programme
a pu réalisé 50% de ses objectifs.
VI. 5- Programme d'Amélioration de la Grande Irrigation
Le Programme d'Amélioration de la Grande Irrigation
(PAGI), s'inscrit dans le cadre des orientations stratégiques
du développement agricole dans la perspective de l'an 2020
(sécurité alimentaire, amélioration des revenues
des agriculteurs, protection et conservation des ressources naturelles,
intégration de l'agriculture au marché national
et international). Il vise à réunir toutes les conditions
permettant aux grands périmètres irrigués
de réaliser pleinement et de manière durable leurs
potentiels de production.
Ce programme s'articule autour des trois composantes suivantes
:
1. l'amélioration des performances hydrauliques des systèmes
d'irrigations;
2. l'amélioration de la productivité ;
3. l'amélioration de l'efficacité opérationnelle
des Offices de Mise en Valeur Agricole (ORMVA).
VI. 6- Programme d'hygiène du milieu
Le Programme d'Hygiène du Milieu tend à corriger
et à maîtriser les facteurs responsables de la transmission
et de la propagation des maladies.
VI. 7- Projet de gestion des ressources en eau
Le projet de gestion des ressources en eau a pour objectif
principal la promotion de la gestion intégrée des
ressources en eau du Maroc et l'appui de l'Agence de Bassin de
l'Oum Er Rabia (équipement, personnel, formation).
Les principaux volets du projet sont :
1. l'élaboration du Plan National de l'Eau ;
2. l'élaboration du Plan Directeur de Protection Contre
les Inondations ;
3. l'élaboration du Plan National de Protection de la Qualité
des Ressources en eau ;
4. la mise en place d'un système de gestion en temps réel
des ressources en eau dans le bassin de l'Oum Er Rabia.
VI. 8- Etude d'un système de redevance sur la pollution
des eaux dans le bassin du Sebou
Cette étude a pour objectif la conception des dispositions
de la loi sur l'eau et d'un système de redevances de pollution
des eaux à appliquer par la future Agence du Bassin de
Sebou.
VI. 9- Etude d'un programme d'action visant à minimiser
l'impact de l'intensification agricole dans les périmètres
irrigués
L'objectif globale de cette étude est la mise au point
d'un système de recherche et de contrôle de l'intensification
agricole dans les périmètres irrigués, il
s'agit de :
1. faire un diagnostic de la pollution dans les périmètres
;
2. collecter les informations et les données nécessaires
sur le secteur agricole intensif ;
3. délimiter les zones critiques touchées par la
pollution agricole ;
4. instaurer un système de suivi et de contrôle pour
la maîtrise et l'utilisation rationnelle des fertilisants
et des produits phytosanitaires.
VII- La législation et la réglementation
Dans le cadre de la refonte de la législation actuelle
des eaux et pour la compléter par des dispositions relatives
à des domaines qu'elle ne couvrait pas auparavant et à
épurer le régime juridique des ressources en eau,
il a été procédé à son unification
en une seule loi sur l'eau.
Adaptée par la chambre des représentants le 15 juillet
1995, la loi sur l'eau constitue la base légale de la politique
de l'eau au Royaume. Elle repose sur un certain nombre de principes
qui découlent de plusieurs objectifs à savoir :
o la mise au point d'une planification de l'aménagement
et de la répartition des ressources en eau basée
sur une large concertation entre les usagers et les pouvoirs publics
;
o la protection de la santé de l'homme par la réglementation
de l'exploitation, de la distribution et de la vente des eaux
à usage alimentaire ;
o la réglementation des activités susceptibles de
polluer les ressources en eau ; et notamment, la prévision
des sanctions et la création d'une police des eaux pour
réprimer toute exploitation illicite de l'eau ou tout acte
susceptible d'altérer sa qualité ;
o la répartition rationnelle des ressources en eau en période
de sécheresse pour atténuer les effets de la pénurie
;
o une plus grande revalorisation agricole grâce à
l'amélioration des conditions d'aménagement et d'utilisation
des eaux à usage agricole (Bulletin Officiel N° 4325
du 20/9/95).
Jusqu'à présent, plusieurs textes d'application
de cette loi ont été promulgués qu' on peut
citer comme suit :
o Décret n° 2.96.158 du 20 Nov. 1996, relatif à
la composition et au fonctionnement du Conseil Supérieur
de l'Eau et du Climat.
o Décret n° 2.96.178 du 24 Oct. 1997, fixant la
procédure de déclaration pour la tenue à
jour de l'inventaire des ressources en eau.
o Décret n° 2.96.536 du 20 Nov. 1996, relatif à
l'Agence de bassin hydraulique de l'Oum Er Rabia.
o Décret n° 2.97.223 du 24 Oct. 1997, fixant la procédure
d'élaboration et de révision des plans directeurs
d'aménagement intégré des ressources en eau
et du plan national de l'eau.
o Décret n° 2.97.224 du 24 Oct. 1997, fixant les conditions
d'accumulation artificielle des eaux.
o Décret n° 2.97.414 du 4 Fev. 1998, relatif aux modalités
de fixation et de recouvrement de la redevance, pour utilisation
de l'eau du domaine public hydraulique (redevance de prélevement)
o Décret n° 2.97.487 du 4 Fev. 1998, fixant la procédure
d'octroi des autorisations et des concessions relatives au domaine
public hydraulique.
o Décret n° 2.97.489 du 4 fev. 1998, relatif à
la délimitation du domaine public hydraulique à
la correction des cours d'eau et à l'extraction des matériaux.
o Décret n° 2.97.488 du 4 Fev. 1998, relatif à
la composition et au fonctionnement des commissions préfectorales
et provinciales de l'eau.
o Décret n° 2.97.787 du 4 Fev. 1998, relatif aux normes
de qualité des eaux et à l'inventaire du degré
de pollution des eaux.
o Décret n° 2.97.657 du 4 Fev. 1998, relatif à
la délimitation des zones de protection et des périmètres
de sauvegarde et d'interdiction.
La loi sur l'eau permet donc d'établir de nouvelles règles
d'utilisation de l'eau plus appropriée aux conditions économiques
et sociales du Maroc moderne et jette les bases d'une gestion
efficace de l'eau dans le futur pour relever les défis
attendus pour la sécurité de l'approvisionnement
de la population. Cette nouvelle loi permet par ailleurs de valoriser
encore plus les efforts considérables consentis pour la
mobilisation et l'utilisation de l'eau et de les rendre compatibles
avec les aspirations au développement économique
et social du Maroc du XXI siècle.
Madame ELABED Loubna, responsable du bureau Eau Potable, Eaux
Fluviatiles, Lacustres et Phréatiques