Lettre à Monsieur Robert MESTRES
Sous-Direction Protection des Végétaux
Protection des Cultures et Environnement
175 Rue du Chevaleret
F-75646 PARIS CEDEX 13
Nouan-le Fuzelier, le 18 mars 1999
Monsieur,
Monsieur Bernard MATHON chargé de la protection des végétaux au SPV Picardie et Directeur gérant de la publication "Avertissements Agricoles" pour cette région m'a confirmé, ce jour, avoir sollicité et reçu votre approbation quant à l'information publiée dans le bulletin N° 6 du 16/03/1999 et relative à l' "homologation et utilisation des produits phytosanitaires" dont texte ci-dessous:
-En France, seuls les produits homologués ou en autorisation provisoire de vente (APV) sont d'une part commercialisables, d'autre part utilisables par les agriculteurs, et ceci uniquement dans les conditions de l'homologation, reprises sur l'étiquette des produits. Toutefois, en application de la directive européenne 91-414, une procédure d'autorisation ministérielle nationale est actuellement à l'étude pour les "produits parallèles". Rappelons qu'il s'agit de produits possédant déjà une autorisation de mise en marché dans un autre État Membre et de composition strictement identique à un produit homologué en France.
Si cette démarche aboutit et conclut à une autorisation ministérielle, les produits parallèles (par exemple ALLEGRO en Belgique, identique à OGAM en France) pourront bénéficier d'une autorisation de mise en marché et d'utilisation en France, ce qui n'est pas encore le cas. Pour les produits différents des produits homologués en France, la procédure normale est l'homologation nationale avant toute autorisation de mise en marché.
Toute commercialisation ou utilisation d'un produit ne faisant pas l'objet d'une autorisation du Ministère de l'agriculture (homologation APV) demeure strictement interdite.
Cet énoncé démontre une fois de plus les dysfonctionnements existant entre votre administration et le droit communautaire au plus grand préjudice des utilisateurs et distributeurs de produits phytosanitaires.
Toute importation d'un produit en provenance d'un autre État Membre et dans l'attente d'une décision ministérielle, toujours à l'étude, autorisant les "produits parallèles" conformément à la directive 91/414, demeure strictement interdite à ce jour alors même :
- Que les États Membres devraient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive dans un délai de deux ans à partir de sa date de notification et que "les principes uniformes" devraient être adoptés un an après ladite date.
- Que la directive est transposée en droit français depuis le 05/05/1994.
- Que si votre administration, contrainte par la lettre de mise en demeure de la Commission du 31/08/1998, a effectivement adressé le 16/11/1998 un projet de décret aux autorités communautaires, ce texte n'a pu être retenu en l'état compte tenu de l'irrecevabilité des obligations qu'il impose aux importateurs.
- Que malgré les modifications apportées tout récemment à la demande de la Commission, le projet reste pour autant toujours irrecevable et que si, par la réponse de son administration, la République Française s'est soustraite pour l'heure à l'envoi d'un avis motivé, il n'en demeure pas moins qu'elle sera à nouveau contrainte à une nouvelle réunion paquet sur ce sujet vraisemblablement courant juin 1999.
- Qu'ainsi l'impossibilité d'importation demeurerait encore longtemps.
- Qu'il n'est plus à démontrer que le SDPV a sollicité le concours de l'industrie pour la rédaction d'un texte de nature législative alors même que son syndicat l'UIPP prétend que l'homologation Française est la seule garantie d'un retour sur investissement pour les fabricants et que les utilisateurs / importateurs pourtant seuls réellement concernés ont été exclu de toute consultation par vos services.
- Que deux juridictions pénales à Blois en 1997 et à Béthune en 1998 ont condamné la position de votre administration en ce sens qu'elle protège la position de monopole du fabricant et qu'elle crée ainsi une distorsion de concurrence assimilable à une mesure d'effet équivalent.
- Qu'enfin et surtout, sans aller plus loin dans l'énoncé de faits démonstratifs de l'illégitimité dans laquelle le SDPV entend demeurer, l'arrêt de la CJCE du 11/3/1999 dans l'affaire C100/96 impose à vos services la reconnaissance immédiate des importations parallèles en provenance d'autres États Membres.
Les " produits parallèles" seraient des produits de composition strictement identique à un produit homologué en France alors même :
- Que cette notion d'identité parfaite, sans être exigée du fabricant, ne sert qu'à cloisonner artificiellement le marché national des autres États Membres pour le seul intérêt de l'industrie et contre celui de l'agriculture dont vous avez cependant la charge.
- Qu'un exemple particulièrement scandaleux en la matière est notifié à vos services depuis près de 3 ans sans qu'aucune mesure susceptible d'éviter un surcoût de l'ordre de 30 MF pour les utilisateurs du produit en question n'ait été prise.
- Qu'il est incontestablement reconnu depuis bien longtemps que seuls les produits d'une même charge peuvent être en tous points identiques et que si la fabrication des produits est décentralisée au sein d'un même groupe de sociétés ou que les filiales établies dans chacun des États Membres fabriquent des produits dont la qualité est adaptée aux particularités de chaque marché national, une loi nationale, qui permettrait à une filiale d'un groupe d'invoquer ces différences de produits fabriqués par une société sur, doit-elle aussi être écartée.
- Qu'enfin et surtout, sans aller plus loin dans l'énoncé de la jurisprudence communautaire récusant cette notion d'identité absolue, l'arrêt de la CJCE du 11/03/1999 impose à vos services la reconnaissance de la similarité en ce sens qu'un produit importé sans être en tous points identique au produit de référence doit bénéficier de l'homologation de ce dernier.
Si vous disposez incontestablement de l'autorité relative à la réglementation phytosanitaire française vous n'en avez pas moins incontestablement le devoir d'appliquer les dispositions de droit communautaire souverain et primant celles du droit national qui y sont contraires.
Le bulletin Avertissements Agricoles Picardie en date du 16/03/1999 et faxé dans l'attente de votre accord sur le texte dont est question dans la nuit du 17 au 18/03 à tous ses destinataires agriculteurs - distributeurs est postérieur à l'arrêt de la CJCE DU 11/03 envoyé par mes soins le jour même à Monsieur le Ministre de l'Agriculture et accompagné de la lettre dont nous vous donnons copie ci-joint.
En conséquence, faute que perdure votre non-reconnaissance du droit dit par la CJCE et cette fois spécifiquement aux produits sur lesquels s'exerce votre autorité, vous aurez sans aucun doute la volonté d'apporter les modifications nécessaires au texte imprudemment approuvé et grandement préjudiciable en l'état aux intérêts de ses lecteurs.
Quant au fond du problème résolu dans tous les autres États Membres et toujours éminemment d'actualité en France pourtant logiquement première intéressée, je reste dans l'attente, étant la cause de votre étude inaboutie d'une réglementation enfin adaptée, de participer à vos travaux plutôt que de devoir les apprécier auprès de la Commission.
Un précieux gain de temps pourrait en résulter.
Je vous prie de recevoir, Monsieur, mes très sincères salutations.
Daniel ROQUES