ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
11 mars 1999 (1)
«Autorisation de mise sur le marché Produit phytopharmaceutique importé
d'un État membre de l'EEE ou d'un pays tiers Identité avec un produit
phytopharmaceutique déjà autorisé par l'État membre d'importation
Appréciation du caractère identique Pouvoir d'appréciation de l'État
membre»
Dans l'affaire C-100/96,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177
du traité CE, par la High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench
Division (Royaume-Uni), et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette
juridiction entre
The Queen
et
Ministry of Agriculture, Fisheries and Food,
ex parte: British Agrochemicals Association Ltd,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de la directive 91/414/CEE du
Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits
phytopharmaceutiques (JO L 230, p. 1),
LA COUR (sixième chambre),
composée de MM. P. J. G. Kapteyn, président de chambre, G. Hirsch, J. L. Murray
(rapporteur), H. Ragnemalm et R. Schintgen, juges,
avocat général: M. P. Léger,
greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, administrateur principal,
considérant les observations écrites présentées:
pour British Agrochemicals Association Ltd, par MM. David Pannick, QC,
et Henry Carr, barrister, mandatés par M. Laurence Cohen et Mme Caroline
Ford, solicitors,
pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme Lindsey Nicoll, du
Treasury Solicitor's Department, en qualité d'agent, assistée de MM.
Kenneth Parker, QC, et Christopher Vajda, barrister,
pour le gouvernement hellénique, par M. Ioannis Chalkias, conseiller
juridique auprès du Conseil juridique de l'État, et Mme Chrisoula
Vellopoulou, conseiller du secrétaire général des affaires communautaires
du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agents,
pour la Commission des Communautés européennes, par MM. Xavier Lewis
et Gérard Berscheid, membres du service juridique, en qualité d'agents,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de British Agrochemicals Association Ltd,
représentée par MM. David Pannick et Thomas de la Mare, barrister, du
gouvernement du Royaume-Uni, représenté par Mme Lindsey Nicoll, assistée de M.
Kenneth Parker, du gouvernement hellénique, représenté par MM. Ioannis
Chalkias et Elli Mamouna, secrétaire au service spécial du contentieux
communautaire du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, et de la
Commission, représentée par M. Xavier Lewis, à l'audience du 17 juillet 1997,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 2 octobre 1997,
rend le présent
Arrêt
- 1.
- Par ordonnance du 3 novembre 1995, parvenue à la Cour le 25 mars 1996, la High
Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division, a posé à la Cour, en
vertu de l'article 177 du traité CE, trois questions préjudicielles relatives à
l'interprétation de la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991,
concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO L 230,
p. 1, ci-après la «directive»).
- 2.
- Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant British
Agrochemicals Association Ltd (ci-après «British Agrochemicals») au Ministry of
Agriculture, Fisheries and Food (ci-après le «MAFF») à propos de la légalité des
1994 Control Arrangements (ci-après les «mesures de contrôle de 1994») régissant
l'octroi des autorisations de mise sur le marché (ci-après l'«AMM») à des
pesticides importés.
- 3.
- La directive, qui a été modifiée à plusieurs reprises, établit des règles uniformes
régissant les conditions et les procédures d'octroi d'une AMM aux produits
phytopharmaceutiques.
- 4.
- L'article 2, point 1, de la directive énonce que, par «Produits
phytopharmaceutiques», il faut entendre les «substances actives et les préparations
contenant une ou plusieurs substances actives qui sont présentées sous la forme
dans laquelle elles sont livrées à l'utilisateur» et qui sont destinées à des activités
spécifiques.
- 5.
- En vertu de l'article 2, point 10, de la directive, constitue une mise sur le marché
«Toute remise à titre onéreux ou gratuit autre que remise pour le stockage et
expédition consécutive en dehors du territoire de la Communauté. L'importation
d'un produit phytopharmaceutique dans le territoire de la Communauté est censée
constituer une mise sur le marché au sens de la présente directive».
- 6.
- Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la directive, «Les États membres
prescrivent que les produits phytopharmaceutiques ne peuvent être mis sur le
marché et utilisés sur leur territoire que lorsqu'ils ont autorisé le produit en cause,
conformément aux dispositions de la présente directive, à moins que l'usage auquel
ils sont destinés ne soit couvert par les dispositions de l'article 22». Il ressort de la
demande de décision préjudicielle que l'article 22 ne concerne pas la présente
affaire.
- 7.
- L'article 4 de la directive énonce les conditions que doit remplir un produit
phytopharmaceutique pour être autorisé. Il faut notamment que ses substances
actives soient inscrites sur la liste figurant à son annexe I. Aucune substance n'a
encore été inscrite à l'annexe I.
- 8.
- L'article 8, paragraphe 1, de la directive dispose que les États membres peuvent,
afin de permettre une évaluation graduelle des propriétés des nouvelles substances
actives et de faciliter la mise à la disposition de l'agriculture de nouvelles
préparations, «autoriser, pour une période provisoire n'excédant pas trois ans, la
mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques contenant une substance
active ne figurant pas à l'annexe I et pas encore sur le marché deux ans après la
notification de la présente directive...», si les critères mentionnés dans cette
disposition sont remplis. Son paragraphe 2 précise, notamment, qu'«un État
membre peut, pendant une période de douze ans à compter de la date de
notification de la présente directive, autoriser la mise sur le marché, sur son
territoire, de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non
visées à l'annexe I, qui sont déjà sur le marché deux ans après la date de
notification de la présente directive».
- 9.
- L'article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive prévoit, notamment, que
«La demande d'autorisation d'un produit phytopharmaceutique doit être introduite
par le responsable de sa première mise sur le marché sur le territoire d'un État
membre ou pour le compte de ce dernier, auprès des autorités compétentes de
chacun des États membres dans lesquels il doit être mis sur le marché». Selon son
paragraphe 2, «Tout demandeur est tenu d'avoir un siège permanent dans la
Communauté».
- 10.
- Les mesures de contrôle de 1994, qui sont entrées en vigueur le 14 mars 1994, ont
été élaborées conformément aux 1986 Control of Pesticides Regulations (S. I.
n° 1510, ci-après les «règlements relatifs aux contrôles des pesticides»).
- 11.
- Les mesures de contrôle de 1994 prévoient qu'il est interdit à toute personne de
vendre, de livrer, de stocker, d'utiliser un pesticide ou d'en faire la publicité au
Royaume-Uni, à moins que le ministre de l'Agriculture, de la Pêche et de
l'Alimentation et le secrétaire d'État ne l'aient conjointement autorisé, à titre
provisoire ou définitif, conformément à l'article 5 des règlements relatifs aux
contrôles des pesticides, et que toutes les conditions pertinentes soient respectées.
- 12.
- Il ressort du dossier au principal que les mesures de contrôle de 1994 prévoient
l'autorisation des produits pesticides importés de pays tiers qui sont identiques à
des produits bénéficiant d'une autorisation temporaire ou définitive au titre des
règlements relatifs aux contrôles des pesticides (ci-après le «produit de référence»).
- 13.
- Aux termes de l'article 3, sous a), des mesures de contrôle de 1994, un produit
importé est réputé identique à un produit de référence si
i) la substance active du produit importé est fabriqué par la même société (ou
par une entreprise liée ou travaillant sous licence) que celle qui fabrique la
substance active du produit de référence et est identique à cette dernière,
sous réserve des variations qui ont été acceptées par l'autorité compétente
en matière d'autorisation,
ii) les composants du produit importé sont fabriqués par la même société (ou
par une entreprise liée ou travaillant sous licence) que celle qui fabrique le
produit de référence britannique, et si toutes différences dans la nature, la
qualité ou la quantité des composants sont réputées par l'autorité
compétente en matière d'autorisation n'avoir aucun effet notable sur la
sécurité des hommes, des animaux domestiques, du bétail, de la faune et de
la flore ou de l'environnement en général ni sur l'efficacité dudit produit.
- 14.
- En vertu de l'article 3, sous b), des mesures de contrôle de 1994, «Lorsqu'un
produit importé est fabriqué sous licence, des renseignements sur l'origine de la
licence et sur la spécification du produit peuvent être exigés en vue d'établir son
identité avec le produit britannique».
- 15.
- L'article 6 des mesures de contrôle de 1994 dispose que le dossier à déposer à
l'appui d'une demande d'autorisation doit contenir, en premier lieu, une lettre
explicative indiquant le nom du produit de référence et celui du produit importé,
ainsi que le type d'autorisation demandée, en second lieu, trois copies du projet
d'étiquette et, en dernier lieu, tous éléments de nature à établir que le produit à
importer est identique, au sens dudit régime, au produit de référence. Il peut s'agir
d'un échantillon de l'étiquette originale du produit à importer ou d'une copie de
l'étiquette du produit pour lequel l'importateur demande l'autorisation d'importer.
- 16.
- L'article 9 des mesures de contrôle de 1994 dispose:
«L'autorité compétente en matière d'autorisation peut exiger la fourniture de tout
renseignement complémentaire qu'elle estime nécessaire pour instruire une
demande. Lorsqu'elle fait procéder à l'analyse chimique d'échantillons fournis par
les demandeurs, elle veille à la confidentialité des résultats.»
- 17.
- British Agrochemicals, qui est une société anonyme représentant 39 membres de
l'industrie phytopharmaceutique, conteste, devant la juridiction de renvoi, la légalité
des mesures de contrôle de 1994. Elle soutient que ces mesures sont contraires à
la directive dès lors qu'elles autorisent la mise sur le marché d'un produit importé,
en raison de son identité avec un produit de référence déjà autorisé sur le territoire
britannique à la suite de procédures d'essais, bien que la composition du produit
de référence diffère par sa nature, sa qualité et sa quantité de celle du produit
importé.
- 18.
- Selon British Agrochemicals, la directive ne prévoit pas qu'une AMM soit délivrée,
au terme d'une procédure accélérée, en raison de l'identité de la formule des
produits de référence et des produits importés. Au contraire, cette société
considère que la directive met en place un système rigoureux et contraignant qui
suppose que toute délivrance d'une AMM est assujettie à la vérification de la
sécurité, de la qualité et de l'effet thérapeutique du produit phytopharmaceutique
concerné, au moyen des tests, analyses et essais dûment inventoriés.
- 19.
- En revanche, le MAFF prétend que la délivrance d'une AMM à des produits
phytopharmaceutiques qui font l'objet d'une importation parallèle n'est pas régie
par les dispositions de la directive, laquelle réalise l'harmonisation des seules règles
relatives aux demandes initiales de mise sur le marché desdits produits. Toutefois,
lorsque ces derniers font déjà l'objet d'une AMM, il ne saurait être recouru à cette
procédure complexe. Les mesures de contrôle de 1994 se contenteraient donc
d'organiser une procédure simplifiée en vue d'autoriser la mise sur le marché
britannique des produits importés identiques aux produits de référence déjà
autorisés au Royaume-Uni et qui y sont commercialisés. Elles ne remettraient
nullement en cause le système rigoureux et contraignant mis en place par la
directive puisque l'objet de ces deux textes serait différent.
- 20.
- C'est dans ces conditions que la juridiction de renvoi, considérant que le litige dont
elle était saisie nécessitait l'interprétation des dispositions communautaires en la
matière, a posé à la Cour les trois questions préjudicielles suivantes:
«1) La directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, telle que modifiée,
permet-elle à un État membre d'autoriser la mise sur le marché d'un
produit phytopharmaceutique importé d'un autre État de l'Espace
économique européen (EEE) ou d'un pays tiers parce que l'État membre
estime que ce produit est identique à un produit phytopharmaceutique de
référence qui a déjà été autorisé par cet État membre conformément à
l'article 4, paragraphe 1, ou à l'article 8, paragraphe 2, de la directive, le
produit importé étant réputé identique au produit de référence lorsque:
a) la substance active du produit importé est fabriquée par la même
société (ou par une entreprise liée ou travaillant sous licence) que
celle qui fabrique la substance active du produit de référence et est
identique à cette dernière, sous réserve des variations qui ont été
acceptées par l'autorité compétente en matière d'autorisation, et que
b) les composants du produit importé sont produits par la même société
(ou par une entreprise liée ou travaillant sous licence) que celle qui
fabrique le produit de référence, toutes différences dans la nature, la
qualité et la quantité des composants étant réputées par l'autorité
chargée de l'enregistrement n'avoir aucun effet notable sur la sécurité
des hommes, des animaux domestiques, du bétail, de la faune et de
la flore ou de l'environnement en général ni sur l'efficacité dudit
produit?
2) La directive 91/414/CEE, du 15 juillet 1991, permet-elle à un État membre
d'autoriser la mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique importé
d'un autre État de l'EEE ou d'un pays tiers comme étant identique (suivant
la définition de l'identité donnée dans la première question ci-dessus) à un
produit de référence sans faire procéder à aucune analyse des constituants
véritables du produit importé avant qu'il ne soit mis sur le marché?
3) En cas de réponse affirmative à la première question, l'article 9, paragraphe
2, de la directive, précitée, permet-il à un État membre d'autoriser la mise
sur le marché d'un produit phytopharmaceutique importé de pays non
membres de l'EEE lorsque l'importateur ou la personne qui met le produit
sur le marché n'a pas de siège permanent sur le territoire de l'EEE?»
Sur les première et deuxième questions
- 21.
- Par ses première et deuxième questions, qu'il convient d'examiner ensemble, la
juridiction de renvoi demande en substance les conditions dans lesquelles l'autorité
compétente d'un État membre peut autoriser la mise sur le marché d'un produit
phytopharmaceutique importé d'un État membre de l'Espace économique
européen (ci-après l'«État EEE») ou d'un pays tiers sur le territoire duquel sa mise
sur le marché a déjà été autorisée et qu'elle considère identique à un produit
auquel elle a déjà accordé une AMM conformément aux dispositions de la
directive.
- 22.
- A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon le troisième considérant de la
directive, l'utilisation de produits phytopharmaceutiques constitue l'un des moyens
les plus importants pour protéger les végétaux et les produits végétaux et pour
améliorer la production de l'agriculture. Toutefois, selon le quatrième considérant,
cette utilisation peut entraîner des risques et des dangers pour l'homme, les
animaux et l'environnement, notamment s'ils sont mis sur le marché sans avoir été
examinés et autorisés officiellement et s'ils sont incorrectement utilisés.
- 23.
- Il convient ensuite de relever que la directive met en place un ensemble de règles
uniformes en ce qui concerne les conditions et les procédures de délivrance des
AMM aux produits phytopharmaceutiques, et ce afin, d'une part, d'assurer un
niveau élevé de protection de la santé humaine et animale ainsi que de
l'environnement et, d'autre part, d'éliminer à l'intérieur de la Communauté les
obstacles aux échanges de produits phytopharmaceutiques et de produits végétaux
résultant de l'existence de réglementations nationales différentes.
- 24.
- La directive prévoit ainsi qu'un produit phytopharmaceutique ne peut être mis sur
le marché d'un État membre et utilisé que s'il a été dûment autorisé conformément
aux dispositions de la directive. Par ailleurs, selon la directive, l'importation d'un
produit phytopharmaceutique dans le territoire de la Communauté constitue
notamment une mise sur le marché.
- 25.
- Le gouvernement du Royaume-Uni prétend que la directive ne s'applique pas dans
l'hypothèse où une personne cherche à mettre sur le marché d'un État membre un
produit phytopharmaceutique importé d'un État EEE ou d'un pays tiers identique
à un autre produit phytopharmaceutique qui a déjà été autorisé et qui est
commercialisé dans cet État membre. En ce qui concerne la notion d'identité des
produits, ce gouvernement considère que les États membres doivent se référer à
la définition qu'en a donnée la Cour dans l'arrêt du 20 mai 1976, De Peijper
(104/75, Rec. p. 613).
- 26.
- A cet égard, il y a lieu tout d'abord de rappeler que, dans l'arrêt De Peijper,
précité, points 21 et 36, la Cour a jugé, dans le cadre des articles 30 et 36 du traité
CEE, que, si les autorités sanitaires de l'État membre d'importation disposent déjà,
à la suite d'une importation antérieure ayant donné lieu à l'octroi, par elles, d'une
AMM, de toutes les indications aux fins du contrôle de l'efficacité et de l'innocuité
du médicament, il n'est manifestement pas nécessaire, pour protéger la santé et la
vie des personnes, que lesdites autorités exigent d'un second opérateur, ayant
importé un médicament en tous points identique ou dont les différences n'auraient
aucune incidence thérapeutique, qu'il leur soumette à nouveau les indications
susvisées.
- 27.
- Il convient ensuite de relever que, dans l'arrêt du 12 novembre 1996, Smith &
Nephew et Primecrown (C-201/94, Rec. p. I-5819, point 21), relatif à
l'interprétation de la directive 65/65/CEE du Conseil, du 26 janvier 1965,
concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et
administratives, relatives aux spécialités pharmaceutiques (JO 1965, 22, p. 369),
telle que notamment modifiée par la directive 87/21/CEE du Conseil, du 22
décembre 1986 (JO 1987, L 15, p. 36, ci-après la «directive 65/65»), la Cour a
considéré que cette directive ne saurait trouver à s'appliquer à une spécialité
pharmaceutique qui bénéficie d'une AMM dans un État membre et dont
l'importation dans un autre État membre constitue une importation parallèle par
rapport à une spécialité pharmaceutique bénéficiant déjà d'une AMM dans ce
second État membre, au motif que cette spécialité importée ne peut, dans une telle
hypothèse, être considérée comme étant mise pour la première fois sur le marché
dans l'État membre d'importation.
- 28.
- Elle a encore précisé, aux points 25 et 26 de ce dernier arrêt, que l'autorité
compétente de l'État membre d'importation doit vérifier que les deux spécialités
pharmaceutiques, qui ont pour origine commune d'être fabriquées à la suite
d'accords conclus avec le même donneur de licence, ont, sans être en tous points
identiques, à tout le moins, été fabriquées suivant la même formule et en utilisant
le même ingrédient actif et ont les mêmes effets thérapeutiques.
- 29.
- Ce raisonnement est, mutatis mutandis, transposable à la mise sur le marché de
produits phytopharmaceutiques.
- 30.
- En effet, force est de constater que la directive poursuit notamment des objectifs
de protection de la santé publique et d'élimination des entraves aux échanges à
l'intérieur de la Communauté comparables à ceux de la directive 65/65 auxquels
s'ajoutent par ailleurs des objectifs de protection de la santé animale et de
l'environnement. Dans cette perspective, elle met en place un ensemble de règles
uniformes en ce qui concerne les conditions et les procédures d'octroi d'une AMM
aux produits phytopharmaceutiques.
- 31.
- Dès lors, lorsque l'importation dans un État membre d'un produit
phytopharmaceutique bénéficiant d'une AMM délivrée selon les dispositions de la
directive dans un autre État membre constitue une importation parallèle par
rapport à un produit phytopharmaceutique bénéficiant déjà d'une AMM dans l'État
membre d'importation, les dispositions de la directive relatives à la procédure de
délivrance d'une AMM n'ont pas vocation à s'appliquer.
- 32.
- En effet, en présence de deux AMM délivrées conformément à la directive, les
objectifs de protection de la santé humaine et animale ainsi que de l'environnement
que poursuit celle-ci ne s'imposent pas de la même manière. Dans une telle
situation, l'application des dispositions de la directive relatives à la procédure de
délivrance d'une AMM irait au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces
objectifs et risquerait de se heurter, sans justification, au principe de libre
circulation des marchandises énoncé à l'article 30 du traité.
- 33.
- Il importe toutefois que l'autorité compétente vérifie, outre l'existence d'une origine
commune, que les deux produits phytopharmaceutiques, sans être en tous points
identiques, ont, à tout le moins, été fabriqués suivant la même formule et en
utilisant la même substance active et ont en outre les mêmes effets compte tenu
des différences qui peuvent exister au niveau des conditions agricoles,
phytosanitaires et environnementales, notamment climatiques, intéressant
l'utilisation du produit.
- 34.
- Afin de vérifier que ces conditions sont remplies, l'autorité compétente de l'État
membre d'importation dispose, ainsi que la Cour l'a souligné au point 27 de l'arrêt
Smith & Nephew et Primecrown, précité, de moyens législatifs et administratifs
susceptibles de contraindre le fabricant, son représentant agréé ou le détenteur de
licence du produit phytopharmaceutique qui bénéficie déjà d'une AMM à fournir
les renseignements dont ils disposent et qu'elle estime nécessaires. L'autorité
compétente peut, par ailleurs, avoir recours au dossier déposé dans le cadre de la
demande d'AMM du produit phytopharmaceutique déjà autorisé.
- 35.
- Enfin, l'article 12 de la directive, relatif aux échanges d'information, doit permettre
à l'autorité compétente de l'État membre d'importation de se procurer les
documents nécessaires à la vérification.
- 36.
- Si, à l'issue de l'examen mené par l'autorité compétente de l'État membre
d'importation, cette dernière constate que tous les critères précédemment énoncés
sont réunis, le produit phytopharmaceutique à importer doit être considéré comme
ayant déjà été mis sur le marché dans l'État membre d'importation et, par
conséquent, doit pouvoir bénéficier de l'AMM délivrée au produit
phytopharmaceutique déjà présent sur le marché, à moins que des considérations
tirées de la protection efficace de la santé humaine, animale et de l'environnement
ne s'y opposent.
- 37.
- Dans l'hypothèse où l'autorité compétente ne conclurait pas que le produit
phytopharmaceutique à importer d'un autre État membre remplit tous les critères
précités et où ce produit ne pourrait, par conséquent, pas être considéré comme
ayant déjà été mis sur le marché dans l'État membre d'importation, ladite autorité
ne pourrait délivrer l'autorisation requise pour la commercialisation du produit
phytopharmaceutique à importer que dans le respect des conditions énoncées par
la directive.
- 38.
- S'agissant de l'importation de produits phytopharmaceutiques d'un État EEE, il
convient tout d'abord de relever que la décision n° 7/94 du Comité mixte de
l'EEE, du 21 mars 1994, modifiant le protocole 47 et certaines annexes de l'accord
EEE (JO L 160, p. 1), a amendé l'annexe II de l'accord sur l'Espace économique
européen, consacrée aux réglementations techniques, normes, essais et
certifications. Cette décision, qui est entrée en vigueur le 1er juillet 1994, a rendu
la directive applicable sur le territoire de l'EEE.
- 39.
- Il y a lieu ensuite d'observer que l'article 8 de l'accord sur l'Espace économique
européen, approuvé par la décision 91/1/CECA, CE du Conseil et de la
Commission, du 13 décembre 1993 (JO 1994, L 1, p. 1, ci-après l'«accord EEE»),
prévoit, en son paragraphe 1, que «La libre circulation des marchandises entre les
parties contractantes est établie conformément aux dispositions du présent accord».
Quant à l'article 11 de cet accord, il interdit, entre les parties contractantes, les
restrictions quantitatives à l'importation et toutes mesures d'effet équivalent.
- 40.
- Dès lors, il convient de considérer, pour des raisons identiques à celles mentionnées
au point 33 du présent arrêt, que, lorsqu'une autorité compétente d'un État
membre conclut qu'un produit phytopharmaceutique importé d'un État EEE dans
lequel il bénéficie déjà d'une AMM délivrée conformément à la directive, sans être
en tous points identique à un produit déjà autorisé sur le territoire de l'État
membre d'importation, à tout le moins,
a une origine commune avec ce produit en ce sens qu'il a été fabriqué par
la même société ou par une entreprise liée ou travaillant sous licence
suivant la même formule,
a été fabriqué en utilisant la même substance active et
a en outre les mêmes effets compte tenu des différences qui peuvent exister
au niveau des conditions agricoles, phytosanitaires et environnementales,
notamment climatiques, intéressant l'utilisation du produit,
ce produit doit, à moins que des considérations tirées de la protection de la santé
humaine et animale ainsi que de l'environnement ne s'y opposent, pouvoir
bénéficier de l'AMM déjà accordée dans l'État membre d'importation.
- 41.
- S'agissant de l'importation d'un produit phytopharmaceutique en provenance d'un
pays tiers, il y a lieu de relever que les conditions qui ont conduit à écarter
l'application des dispositions de la directive relatives à la procédure de délivrance
d'une AMM ne sont pas, en l'occurrence, réunies.
- 42.
- En effet, un tel produit n'offre pas les mêmes garanties quant à la protection de
la santé publique et animale ainsi que de l'environnement que celles offertes par
un produit importé d'un État membre de la Communauté ou d'un État EEE dans
lequel il dispose déjà d'une AMM délivrée conformément à la directive.
- 43.
- Il convient, à cet égard, de relever qu'il n'existe, actuellement, aucune
harmonisation, au niveau international, des conditions dans lesquelles les produits
phytopharmaceutiques peuvent être mis sur le marché.
- 44.
- Force est encore de constater qu'il n'existe pas davantage, sur le plan international,
de principe général de libre circulation des marchandises comparable à celui qui
prévaut à l'intérieur de la Communauté et auquel celle-ci aurait adhéré.
- 45.
- Le gouvernement du Royaume-Uni soutient toutefois qu'il ne serait pas conforme
à l'article 5.1 de l'accord sur les obstacles techniques au commerce qui figure à
l'annexe 1A de l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce, approuvé
au nom de la Communauté, pour ce qui concerne les matières relevant de ces
compétences, par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative
à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les
matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales
du cycle de l'Uruguay (1986-1994) (JO L 336, p. 1, ci-après l'«accord sur les
obstacles techniques»), d'interpréter la directive en ce sens qu'est soumise à ses
dispositions relatives à la procédure de délivrance d'une AMM la mise sur le
marché d'un produit phytopharmaceutique importé d'un pays tiers qui est considéré
par l'autorité compétente de l'État membre d'importation comme identique à un
produit phytopharmaceutique bénéficiant déjà d'une AMM sur son territoire.
L'accord sur les obstacles techniques, d'une part, énonce, en son article 5.1.1, le
principe de non-discrimination en ce qui concerne l'élaboration, l'adoption et
l'application des procédures d'évaluation de la conformité de produits avec des
règlements techniques ou avec des normes et, d'autre part, interdit, en son article
5.1.2, que de telles procédures puissent avoir pour objet de créer des obstacles non
nécessaires au commerce international, compte tenu notamment des risques que
la non-conformité entraînerait.
- 46.
- A cet égard, il suffit de constater que, pour les raisons exposées aux points 43 et
44 du présent arrêt, soumettre aux conditions de délivrance d'une AMM énoncées
par la directive un produit phytopharmaceutique importé d'un pays tiers qui ne
dispose pas encore d'une AMM délivrée conformément à celle-ci, alors que
l'autorité compétente de l'État membre d'importation considère que ce produit est
identique à un produit phytopharmaceutique bénéficiant déjà sur son territoire
d'une AMM délivrée conformément à la directive, ne saurait être considéré comme
discriminatoire ou comme créant un obstacle indu au commerce international.
- 47.
- Par conséquent, il y a lieu de constater que la directive s'applique à la mise sur le
marché dans un État membre d'un produit phytopharmaceutique importé d'un pays
tiers, et ce même si les autorités compétentes de l'État membre d'importation
considèrent que ce produit est identique à un produit phytopharmaceutique de
référence qui a déjà été autorisé conformément à la directive.
- 48.
- Il résulte de ce qui précède que l'autorité compétente d'un État membre ne peut
délivrer une AMM à un produit phytopharmaceutique importé d'un pays tiers qui
ne dispose pas encore d'une AMM délivrée conformément aux dispositions de la
directive dans un autre État membre que dans les conditions prévues par la
directive.
Sur la troisième question
- 49.
- Eu égard à la réponse donnée aux deux premières questions, il n'y a pas lieu de
répondre à la troisième question.
Sur les dépens
- 50.
- Les frais exposés par les gouvernements du Royaume-Uni et hellénique, ainsi que
par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire
l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au
principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il
appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (sixième chambre)
statuant sur les questions à elle soumises par la High Court of Justice (England &
Wales), Queen's Bench Division, par ordonnance du 3 novembre 1995, dit pour
droit:
1) Lorsqu'une autorité compétente d'un État membre conclut qu'un produit
phytopharmaceutique importé d'un État de l'Espace économique européen
dans lequel il bénéficie déjà d'une autorisation de mise sur le marché
délivrée conformément à la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet
1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques ,
sans être en tous points identique à un produit déjà autorisé sur le
territoire de l'État membre d'importation, à tout le moins,
a une origine commune avec ce produit en ce sens qu'il a été fabriqué
par la même société ou par une entreprise liée ou travaillant sous
licence suivant la même formule,
a été fabriqué en utilisant la même substance active et
a en outre les mêmes effets compte tenu des différences qui peuvent
exister au niveau des conditions agricoles, phytosanitaires et
environnementales, notamment climatiques, intéressant l'utilisation
du produit,
ce produit doit, à moins que des considérations tirées de la protection de
la santé humaine et animale ainsi que de l'environnement ne s'y opposent,
pouvoir bénéficier de l'autorisation de mise sur le marché déjà accordée
dans l'État membre d'importation.
2) L'autorité compétente d'un État membre ne peut délivrer une autorisation
de mise sur le marché à un produit phytopharmaceutique importé d'un
pays tiers qui ne dispose pas encore d'une autorisation de mise sur le
marché délivrée conformément aux dispositions de la directive 91/414 dans
un autre État membre que dans les conditions prévues par cette directive.
Kapteyn Hirsch Murray
Ragnemalm Schintgen
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Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 mars 1999.
Le greffier
Le président de la sixième chambre
R. Grass
P. J. G. Kapteyn